Pike

Benjamin Whitmer

Book 7118 of Littérature

Language: French

Publisher: Gallmeister

Published: Mar 5, 2015

Description:

Ça fait un moment que Douglas Pike n'a plus grand-chose à voir avec le truand qu'il était autrefois. De retour dans sa ville natale des Appalaches, il vit de petits boulots et tente de combattre ses démons du mieux qu'il peut. Jusqu'au jour où il apprend que sa fille, depuis longtemps perdue de vue, vient de mourir d'une overdose. Et où il découvre par la même occasion l'existence de sa petite-fille. Le voilà avec une gamine de douze ans sur les bras, et il va bien falloir s'en occuper. D'autant qu'un flic brutal et véreux manifeste un intérêt malsain pour la fillette.

Benjamin Whitmer, c'est Shakespeare qui aurait baisé avec Ellroy !
OLIVIER MARCHAL

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Extrait

Extrait du prologue

Le bras gauche du gosse saille en biais de la neige sale comme une branche de bois noir cassée. Derrick tâte le corps de la pointe de sa botte de cow-boy. Aucun mouvement. Il rengaine son Colt 911 et balaye la ruelle du regard. Les anciens bâtiments industriels en brique rouge le dominent de trop haut; un antique escalier de secours se décolle et pend d'une façade, menaçant d'entraîner le mur délabré dans sa chute. Droit devant, la ruelle s'achève en cul-de-sac sur un chenil grillagé abritant deux pit-bulls entraînés à déchiqueter le corps des flics blancs. Derrick tourne les talons et repart vers la Grand-rue de Cincinnati. Stase du matin, bottes qui crissent sur la neige dure au rythme du coeur qui bat, froid et métronomique, sous sa cage thoracique.
Pas le moindre putain de doute : le gosse avait senti le coup venir. C'était forcé, vu comme il l'avait jouée cool jusqu'au moment où il avait suroris Derrick, visage penché sur une cigarette rougeoyante, pour faire alors volte-face et filer par la porte de la cuisine en ne lui laissant voir qu'une traînée afro floue et le dessous de ses talons. Le temps que Derrick sorte son.45 de son holster, le gosse avait déjà dix mètres d'avance et cavalait pour sauver sa peau.
Puis il avait continué à bien jouer le coup sur les deux premiers blocs. Il s'était tenu à l'écart des petites mes latérales et avait rameuté tout le quartier. Et tous les autochtones ne dormaient pas ; assis sur leurs perrons décatis, quelques-uns d'entre eux suivaient la scène de leurs yeux rougis par la bière. Il y en eut même deux ou trois qui se levèrent, comme pour intervenir. Derrick les fit se raviser en pointant son arme sur le plus proche et en aboyant qu'il abattrait le premier fils de pute qui songerait à se mettre sur son chemin.
Mais ensuite le gosse fit deux erreurs. La première fut de s'engager dans la ruelle. C'était la plus évidente. Mais la seconde était en réalité une erreur de jugement qu'il avait commise beaucoup plus tôt, probablement le matin, à l'instant où il avait choisi quelles chaussures mettre. Il en portait une paire aux lacets démesurément longs qu'il traînait derrière lui comme des queues de rats. Et il avait trébuché dessus. Fashion victim. Derrick s'était figé, avait visé, puis avait fait feu à deux reprises. Son pistolet avait tressauté dans sa main comme une chose vivante, et les deux grosses balles de.45 avaient fait rouler le gosse comme un fagot de bois sec poussé par une bourrasque.
Il tressaillait encore lorsque Derrick le rejoignit. Lèvres entrouvertes, bouche et nez écumant de sang. Il clignait des yeux, essayait de parler; le ciel pesait sur son visage comme une main invisible. Derrick lâcha une troisième balle, qui lui fit un trou fumant dans la tête.
Il est maintenant presque sorti de la ruelle. Plus que six mètres. Moins à chaque pas. Deux jeunes gars apparaissent au coin d'un immeuble, éclipsant le soleil dans leurs manteaux d'hiver. Le plus petit des deux siffle, face blanche ronde presque translucide dans le matin glacé, fins yeux bleus luisant de froidure. Un frisson électrique secoue la moelle épinière de Derrick, il lève son.45 et aligne les deux gars.
- Reculez.
Ils reculent, dos contre le mur. Nonchalants. Pas impressionnés.

Revue de presse

Première oeuvre de Benjamin Whitmer, Pike est un roman dur et magnifique sur le cauchemar américain. Une découverte...
Benjamin Whitmer, qui a sans doute avalé du Jim Thompson en lait en poudre, est un conteur magnifique, cinglant, pur, qui réussit, au bout de la nuit, à traquer la lumière qui va venir réchauffer ces corps affamés de vie. (Eric Libiot - L'Express, septembre 2012) --Ce texte fait référence à une édition épuisée ou non disponible de ce titre.