Greta Garbo est morte en 1990 —
vingt ans plus tard, ces jours de décembre 2012 où, à Los Angeles, sa
garde-robe fut vendue aux enchères, « pulvérisée, éparpillée aux quatre coins du monde », n'est-elle pas « morte une deuxième fois »
? C'est l'intuition initiale de ce beau livre, le premier de Nelly
Kaprièlian, laquelle assista à la vente comme à une cérémonie mystique
cruelle, morbide, sorte de dépeçage en règle de la dépouille de la star
et de dispersion de ses reliques — ces milliers de vêtements, robes,
tailleurs, souliers, accessoires... que Garbo accumulait dans ses
armoires pour généralement ne jamais les porter. De ce démembrement,
l'auteure elle-même rapporta un trophée : le lot 492 de la vente, un
manteau rouge cerise — et, lorsqu'elle le revêt, le miroir lui renvoie
l'image d'« une femme portant la dépouille sanguinolente d'une autre femme »...
Garbo
et son manteau ne sont que l'amorce — et le fil d'Ariane — de ce texte
d'une parfaite singularité, tout ensemble vif et élégant, méditatif et
précis, fragmenté et d'une impeccable cohérence, qui, à travers le
prisme du rapport au vêtement, soulève une succession d'hypothèses et de
réflexions stimulantes, parfois vertigineuses, sur la féminité,
l'incarnation, les apparences et ce qu'elles dissimulent ou révèlent,
l'identité et ses métamorphoses, les fictions de soi par lesquelles
chacun se construit ou s'engendre. Pour appuyer sa quête, Nelly
Kaprièlian convoque mille témoins, de Dietrich à Oscar Wilde, de Truman
Capote à David Bowie, de Dita Von Teese à Huysmans... Mais, c'est
lorsqu'elle les rejoint dans le livre, lorsqu'elle décide d'en devenir à
son tour un personnage, que se révèle l'enjeu profond, intime et
sensible de sa méditation — la démarche spéculative se muant alors en un
geste littéraire audacieux, grave, authentique. — Nathalie Crom
| Ed. Grasset | 288 p., 18,50 € | En librairie le 27/8.
En décembre 2012, la garde-robe de l’icône la plus secrète de l’histoire du cinéma a été exposée durant trois jours, puis vendue aux enchères à Los Angeles. Huit cents pièces. Les vêtements d’une femme peuvent-ils raconter une vie, éclairer ses mystères ? Pourquoi Greta Garbo achetait-elle des centaines de robes alors qu’elle n’en portait aucune, ne se sentant bien que dans des tenues masculines ? S’habille-t-on pour se travestir et se mettre en scène dans un rôle rêvé ? Pour donner une image de soi acceptable ou démentir une place assignée ? Pour séduire ou pour déplaire ? Se fondre dans une société ou s’y opposer ? Quels désirs secrets et enfouis, quelles pulsions obscures et inavouables, fondent-ils notre goût, notre style ?
Et moi-même, pourquoi avais-je acheté, lors de cette vente, le manteau rouge de Greta Garbo, alors qu’il n’était pas mon genre ?
Ce qui devait être un essai s’est peu à peu mué en roman : les vêtements racontent ces fictions que sont nos identités, et donnent à lire les narrations, souvent mystérieuses, que sont nos vies.
Description:
Greta Garbo est morte en 1990 — vingt ans plus tard, ces jours de décembre 2012 où, à Los Angeles, sa garde-robe fut vendue aux enchères, « pulvérisée, éparpillée aux quatre coins du monde », n'est-elle pas « morte une deuxième fois » ? C'est l'intuition initiale de ce beau livre, le premier de Nelly Kaprièlian, laquelle assista à la vente comme à une cérémonie mystique cruelle, morbide, sorte de dépeçage en règle de la dépouille de la star et de dispersion de ses reliques — ces milliers de vêtements, robes, tailleurs, souliers, accessoires... que Garbo accumulait dans ses armoires pour généralement ne jamais les porter. De ce démembrement, l'auteure elle-même rapporta un trophée : le lot 492 de la vente, un manteau rouge cerise — et, lorsqu'elle le revêt, le miroir lui renvoie l'image d'« une femme portant la dépouille sanguinolente d'une autre femme »...
Garbo et son manteau ne sont que l'amorce — et le fil d'Ariane — de ce texte d'une parfaite singularité, tout ensemble vif et élégant, méditatif et précis, fragmenté et d'une impeccable cohérence, qui, à travers le prisme du rapport au vêtement, soulève une succession d'hypothèses et de réflexions stimulantes, parfois vertigineuses, sur la féminité, l'incarnation, les apparences et ce qu'elles dissimulent ou révèlent, l'identité et ses métamorphoses, les fictions de soi par lesquelles chacun se construit ou s'engendre. Pour appuyer sa quête, Nelly Kaprièlian convoque mille témoins, de Dietrich à Oscar Wilde, de Truman Capote à David Bowie, de Dita Von Teese à Huysmans... Mais, c'est lorsqu'elle les rejoint dans le livre, lorsqu'elle décide d'en devenir à son tour un personnage, que se révèle l'enjeu profond, intime et sensible de sa méditation — la démarche spéculative se muant alors en un geste littéraire audacieux, grave, authentique. — Nathalie Crom
| Ed. Grasset | 288 p., 18,50 € | En librairie le 27/8.
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En décembre 2012, la garde-robe de l’icône la plus secrète de l’histoire du cinéma a été exposée durant trois jours, puis vendue aux enchères à Los Angeles. Huit cents pièces. Les vêtements d’une femme peuvent-ils raconter une vie, éclairer ses mystères ? Pourquoi Greta Garbo achetait-elle des centaines de robes alors qu’elle n’en portait aucune, ne se sentant bien que dans des tenues masculines ? S’habille-t-on pour se travestir et se mettre en scène dans un rôle rêvé ? Pour donner une image de soi acceptable ou démentir une place assignée ? Pour séduire ou pour déplaire ? Se fondre dans une société ou s’y opposer ? Quels désirs secrets et enfouis, quelles pulsions obscures et inavouables, fondent-ils notre goût, notre style ?
Et moi-même, pourquoi avais-je acheté, lors de cette vente, le manteau rouge de Greta Garbo, alors qu’il n’était pas mon genre ?
Ce qui devait être un essai s’est peu à peu mué en roman : les vêtements racontent ces fictions que sont nos identités, et donnent à lire les narrations, souvent mystérieuses, que sont nos vies.