Le Cosaque de l'Oural

Dahl

Book 8797 of Littérature

Language: French

Publisher: BRS

Published: Jan 25, 2014

Description:

 Nous sommes dans l’été : rien n’est plus chaud ni plus lourd que les mois de mai, juin, juillet et août, dans les steppes méridionaux de la Russie. Septembre et octobre servent de transition à cet été brûlant. Durant ces quatre mois, l’atmosphère pèse de ses colonnes étouffantes sur le steppe de l’Oural comme l’antithèse d’un rigoureux hiver de cinq mois.

Après un court repos, les tribus militaires semblent re-naître dans leurs bourgades de l’Oural, situées le long du fleuve, sur un espace d’environ huit cent verstes.
Dans les bourgs, dans les avant-postes, comme dans les redoutes, tout se met en mouvement. On dirait que le sol, devenu brûlant sous les caresses dévorantes du so-leil, donne une nouvelle vie aux êtres animés. Tout le peuple s’est bientôt assemblé sur le Boudarinskaja : ce sont trois mille hommes robustes et six milles vétérans environ. Trois mille bordent le cordon intérieur et trois mille le cordon extérieur ; trois mille autres, à peu près, sans compter les travailleurs, se pressent sur le steppe nu et stérile, semblable à une mer de sable.
Chacun a, sur son chariot, son bateau ou boudarka, ses filets, et, de plus, un Kirgis vêtu de peaux de renard, comme s’il voulait faire peur à l’été. Tous se rangent en lignes, et attendent le coup de canon qui doit donner le signal du départ.
Mais où est donc Podgornoff , ce Cosaque de Gou-rieff, à tête chauve, qui est toujours de service, tour à tour occupé sur le cordon, auprès des sultanes, auprès du chan, tantôt dans les régiments, tantôt sur mer près des centeniers ? Il est au premier rang des serviteurs zélés, mais il ne veut pas d’honneur : le grade d’ouriadnik lui fait peur ; car Podgornoff est pauvre et a une nombreuse famille.
Tenez, le voilà sans bonnet parmi la foule. On le re-connaît à sa tête chauve depuis les sourcils jusqu’à l’occiput, à ses lèvres pincées, à ses yeux invariablement fixés sur l’hetman de la pêche, qui se promène seul au milieu de la foule, comme un roi sur son territoire.
Podgornoff le tient en arrêt comme un chien couchant fait d’un buisson dans lequel s’est enfermée une gelinotte des bois. De la main droite, il manie une rêne courte ; de la gauche, il s’appuie sur la pointe de sa boudarka doublée de fer ; il attend le signal qui va être donné par un geste de l’hetman, afin de ne pas perdre une seconde pour lancer à l’eau sa boudarka, jeter ses filets et pêcher un esturgeon.
Déjà, dans l’attente de ce qui va arriver, Podgornoff sue si fort, que des gouttes d’eau perlent sur son front. Que sera-ce donc quand le travail aura commencé !
Podgornoff est toujours à l’ouvrage ; il est donc rare-ment chez lui. Il a refusé déjà trois fois le grade

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